Par Ngoyo Moussavou

Patrick Mouguiama Daouda est l’un des rares membres du gouvernement Rose Christiane Ossouka Raponda à avoir, en permanence, ses entrées auprès du cercle très fermé des « personnalités nouvelles » aux pouvoirs très étendus, du cabinet présidentiel. Donc ce n’est pas un ministre comme les autres. Ceci expliquant probablement cela, il est à la tête d’un ministère « sombrero » cumulant l’enseignement supérieur, la recherche scientifique, le transfert des technologies, l’éducation nationale et la formation civique. Enseignant du supérieur, cette position privilégiée du Pr Patrick Mouguiama Daouda a suscité beaucoup d’espoir auprès de ses collègues universitaires, qui ont vu en lui le messie envoyé pour améliorer leurs conditions de vie et d’enseignement. Que nenni !

Une vidéo devenue virale qui a circulé sur les réseaux sociaux, portant sur le délabrement de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Libreville, est symptomatique des difficultés inextricables que rencontre l’enseignement supérieur au Gabon. On reste en effet sans voix, pour ne pas dire révolté, par les images démoralisantes de l’ENS dont la noble mission est de transmettre le savoir et la connaissance pour former les élites du pays dans les domaines de l’enseignement secondaire et de l’éducation nationale.

L’herbe coupante et la broussaille épineuse ont envahi les bâtiments aux murs décatis dans l’indifférence quasi générale. Les détritus de tous ordres jonchent le sol des salles de cours et les abords des locaux. Mme Emmanuelle Nguema Minko, secrétaire générale du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs (SNEC), qui fait faire aux journalistes le tour des lieux sinistrés, explique les raisons de cette descente aux enfers et a du mal à contenir son dépit.

Ironie du sort, ces images déshonorantes et du plus mauvais effet, ont circulé au moment où le ministre de tutelle a convaincu le Premier ministre d’aller présenter au chef de l’Etat le « point de la situation des chantiers de réhabilitation des infrastructures scolaires et universitaires ». En voyant a posteriori les images sur l’état général désastreux de l’ENS, véritable douche écossaise pour elle, Mme le Premier ministre a dû forcément avoir un rictus de gêne et il ne serait pas étonnant d’apprendre qu’il y a de la friture sur la ligne entre elle et son ministre à cause de ce qui peut apparaître comme un abus de confiance, voire une escroquerie intellectuelle.

Dans une Afrique qui va prendre de plus en plus sa place aux premiers rangs de la scène mondiale dans tous les domaines, la question de la formation et de la préparation des plus méritants des Gabonais pour former une élite est évidemment essentielle. Il faut apporter aux citoyens gabonais tous les moyens pour réussir leur scolarité et parvenir au plus haut niveau par leur travail et leurs talents, quelle que soit leur origine sociale. C’est à ce prix qu’un pays progresse et exploite toutes ses potentialités.

Mais si les infrastructures de formation sont obsolètes et à l’abandon, si les enseignants n'ont pas de bonnes conditions de travail et ont un mal fou à finir les fins de mois, comment redresser un jour la situation ? Les autorités gabonaises ont un maximum d’efforts à faire pour améliorer les filières de la formation des élites. L’enseignement ne doit pas devenir au Gabon un secteur laissé pour compte, tant il conditionne le présent et le futur du pays et de sa jeunesse.